Article de 1987, par JP VITTOT CARLE

Depuis bientôt cinquante ans, le Carillon de la SAINTE CHAPELLE du CHATEAU des DUCS de SAVOIE égrène dans le ciel chambérien ses mélodies harmonieuses.

Œuvre remarquée à l’époque ( 1937 ) du fondeur de Cloche des frères Alfred et Henri PACCARD, il a pris rang de choix au sein du patrimoine culturel de la cité ducale Savoyarde.

L'intérêt grandissant qu'il suscite, bien au-delà de nos frontières, lui permet-il de demeurer un instrument figé, digne seulement d'entretien et maintenance, ou, au contraire, autorise-t-il de former pour lui des projets d'extension et transformations, propres à faire de cette "GUITARE DU CIEL'", la plus importante d’Europe ?

C'est à une telle interrogation que cette modeste discussion tente de répondre.

NOUVELLE IDENTITÉ ET RAYONNEMENT NOUVEAU

De par le caractère rudimentaire de leurs transmissions, d'une technologie peu évoluée, et de cloches dont l'accord laissait beaucoup à désirer, les Carillons ne possédaient naguère qu'un répertoire musical propre restreint.

On n'y jouait guère que des transpositions d’œuvres écrites pour d'autres instruments, les grands compositeurs ne trouvant pas dans l'art campanaire un "vecteur" d'expression musicale satisfaisant.

Les techniques de pointe utilisées aujourd'hui par les grands fondeurs tels les PACCARD, permettent d'atteindre une perfection parfaite dans l'accordage des cloches (tant pour les fondamentales que pour les partielles accordées au centième de ton près)

D'autre part, l'évolution technologique des transmissions permet, depuis quelques années, de doter les Carillons d'un "toucher" plus doux et surtout plus précis, offrant dorénavant à l'artiste comme sur tout instrument de musique à percussion, une précision de jeu beaucoup plus grande. Le carillonneur éprouve ainsi une facilité d'interprétation, une émotion musicale infiniment plus intense.

D'où l'apparition d'une génération nouvelle de carillons, accordés aussi précisément que les pianos, et qui ouvre des perspectives réellement nouvelles.

LE CARILLON DE CHAMBÉRY EST-IL PRÊT ?

Le Carillon de CHAMBÉRY est en mesure de prétendre à de telles performances. Modernisé et agrandi, celui-ci peut devenir demain un instrument dont la palette d'expressions musicales autorisera les projets les plus divers, festivals annuels rassemblant sur le plan national et international les adeptes sans cesse plus nombreux de cet art musical en mutation, concours d'interprétation, activités d'enseignements, sans oublier la recherche propre à donner à l' instrument une nouvelle expression et une identité renouvelée.

L'intérêt culturel et touristique d'un tel projet, dont on entrevoit le bénéfice pour la Savoie, exige une initiative préalable : la mise en chantier rapide des travaux de modernisation et d’extension du Carillon sans lesquels celui ci ne pourra suivre l'évolution de l’Art Campanaire dans son "Risorgimento" actuel, que d'aucuns considère même comme son "An Zéro"

LE PROJET AMBITIEUX

La modernisation et l'extension du Carillon de CHAMBÉRY doit entraîner les interventions suivantes :

Une dimension européenne.

Trois qualités ont été unanimement reconnues au Carillon de CHAMBÉRY : la justesse, la sonorité et l'homogénéité. Ces qualités demeurent, mais peuvent être encore accrues grâce à l'apparition de techniques nouvelles, notamment au niveau de l'accordage, bénéficiaire aujourd'hui des apports de l'électronique.

D'autre part, l'état actuel des battants et fixations des cloches exige un démontage complet du beffroi. Pourrait être saisie cette opportunité pour procéder à un ré-accordage complet des quarante cloches actuelles, suivi de l'adjonction de vingt quatre autres cloches.

Pourquoi un tel agrandissement ?

Tous les carillonneurs ayant "approché" le Carillon Savoyard n'ont pas manqué d'observer que celui-ci était transpositeur. Lorsque le carillonneur actionne sur le clavier la touche du Do, l'oreille entend en réalité un Sol. Cet état de fait, tire sa cause de la dimension actuelle de l'instrument dont l'élément le plus important pèse 680 Kilogrammes. Poids respectable certes, mais qui parait bien modeste au regard des grands Carillons d'Outre Atlantique où les cloches de quatre ou cinq tonnes ne sont pas rares.

Si l'on veut rendre le Carillon, de CHAMBÉRY non transpositeur et lui donner une palette sonore suffisamment importante pour promouvoir son rayonnement international, il convient de faire débuter sa tessiture avec une cloche d'au moins 2500 Kilogrammes.

Pourraient être ainsi réalisées cinq octaves chromatiques à partir de la note correspondant au Do2 du piano. Le poids de l'instrument actuel de 4000 Kilogrammes passerait à 16 000 Kilos. Avec ses soixante six cloches, le Carillon de CHAMBÉRY deviendrait, sans conteste, le plus important d’Europe.

Le clocher de la TOUR YOLANDE de la SAINTE-CHAPELLE pourra-t-il supporter une telle extension ?

C'est évidemment là, la préoccupation des Amis du Vieux Chambéry, fervents supporters du projet.

Consultés par eux, le maître fondeur Pierre PACCARD a été formel : La solidité de la dalle actuelle comme le volume de la Salle des Cloches de la SAINTE CHAPELLE autorisent, sans aucune difficulté technique, la réalisation de l'agrandissement envisagé. Le monument historique ne serait nullement atteint par la dépose d'un nouveau beffroi qui pourrait même voir remplacer ses actuelles armatures métalliques par un bois noble.

Une technique de transmission d'avant-garde.

Le rêve du carillonneur, soucieux d'exprimer sa sensibilité musicale, serait de disposer dans ses propres mains des battants des cloches et de pouvoir les frapper directement en s'affranchissant de "l'écran" que constitue la mécanique de transmission.

Faute de réaliser ce rêve, on cherche aujourd'hui à réduire le poids de cette transmission, à diminuer la masse rapportée par la transmission par rapport au poids du battant de la cloche.

C'est ainsi que la Fonderie PACCARD, concrétisant une recherche conduite en collaboration avec le Carillonneur Jean-Pierre VITTOT CARLE, projette d'innover en matière de clavier et de transmissions.

Utilisation de matériaux nouveaux, adoption de techniques de pointe feront du Carillon de CHAMBÉRY un élément d'avant-garde qui offrira à l'instrumentiste des possibilités jamais atteintes dans l'art des nuances, des accords étagés ou des mises en relief de notes dans un accord donné.

Un nouveau confort acoustique.

La cabine actuelle de l'instrument de CHAMBÉRY, insuffisamment insonorisée, ne permet pas au carillonneur de percevoir le timbre des cloches dans toutes leurs nuances, Il en résulte, pour lui, une difficulté certaine pour adapter son jeu aux conditions d'écoute du public.

D'où le projet d’agrandir la cabine et de traiter acoustiquement, tant celle-ci que l'ensemble de la Chambre des Cloches. Ce traitement prendra forme d'une parabole, disposée dans la Salle, qui permettra de transformer celle-ci en Chambre de compression "projetant" le son des cloches à l'extérieur et offrant ainsi aux auditeurs une qualité d'audition très nettement améliorée. Le niveau du son de chaque cloche aura une teneur en partielles plus importante et rehaussera leur "couleur".

JP VITTOT CARLE